Laura Morsch-Kihn, le fanzine casus rebelli

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Laura Morsch-Kihn est curatrice indépendante et artiste éditrice. L’esthétique de la périphérie, des sous-cultures, le travail, l’interaction, la précarité et les démarches contextuelles font partie de ses champs d’investigation. Elle organise actuellement la deuxième édition du Festival international du fanzine Rebel Rebel, prévu en octobre au FRAC PACA.

Après avoir été pendant sept ans attachée d’expositions pour la Galerie du jour Agnès b. (2007-2014), Laura Morsch-Kihn mène depuis près de quatre ans différents projets artistiques et curatoriaux autour de l’édition alternative et de l’artzine: Le nouvel esprit de vandalisme (2014-), Printing on fire (co-fondateur 2015-), Rebel Rebel zine (2015-). L’esthétique DIY crasseuse propre à la photocopieuse est un leitmotiv de ses productions, interrogeant constamment le rapport ambigu entre l’oeuvre d’art originale sacralisée et sa reproduction infidèle. En proposant un nouvel espace d’expression – aux contraintes graphiques fortes -, elle bouscule les artistes dans leur modalité de travail, les obligeant à penser le résultat artistique en fonction du médium et du moyen de reproduction.

En 2016, elle entame un travail documentant la relation des jeunes au travail et à la débrouillardise (Edition précaire). Le premier opus, Bleu travail Chorégraphie 1, est un fanzine sur papier glacé, au grammage lourd, prenant le contre-pied, en apparence, des Nouvel esprit du vandalisme. Le sujet – un garagiste dans son atelier – convoque le cambouis et la sueur qui se trouvent alors sublimés par le support luxueux et brillant. Ainsi, on voit l’effet miroir des différents projets éditoriaux : au bel art saccagé et terni par la xérographie répond le trivial transcendé par le medium, les deux se côtoyant alors dans un univers plastique qui les met au même niveau.

En parallèle à cette action éditoriale, Laura Morsch-Kihn est co-directrice artistique du projet Rebel Rebel: fanzine art & culture qu’elle a fondé avec le Fonds Régional Art Contemporain PACA de Marseille en 2016. La deuxième édition se déroulera en octobre prochain avec une trentaine d’éditeurs invités, des conférences (sur les footzines notamment) et des ateliers d’édition de fanzines dans les quartiers nord de Marseille qui accueillent également  l’artiste éditeur Marc Roig Blesa pour une résidence de création au mois de juillet grâce au soutien de la Fondation Logirem.

Ses autres actions curatoriales incluent les expositions de Pat McCarthy Brick by brick (FRAC PACA Marseille, 2016), Saeio, Phases (FRAC PACA Marseille, 2016), Fields Effects (Parcours, Parallèle, Rencontres d’Arles, 2015), Seine Saint-Denis style (Cité des Arts de Montmartre, 2015)… et les programmes Air Pariétal (Festival Welcome to caveland ! 2016) et Le rire, le jeu, la dérision, le rock, la mort … ou l’esthétique de l’adolescence (Musée d’art contemporain Les Abattoirs, 2015). Elle vient par ailleurs de cofonder l’organisation artistique et culturelle sans but lucratif OVNI.

A n’en pas douter, Laura Morsch-Kihn a fait du fanzine sa cause rebelle.

Rencontre avec LAURA MORSCH-KIHN, été 2017

Par Seitoung

Le fanzine DIY fait un retour remarqué depuis 10 ans, notamment dans le monde de l’art contemporain, comment analyses-tu ce phénomène ?

Plusieurs facteurs pourraient expliquer ce phénomène. D’une part, des artistes aujourd’hui célèbres comme Mike Kelley, Jim Shaw, AA Branson, Raymond Pettibon, ont dès le milieu des années 70 publié des fanzines pour faire exister leur travail. Ils ont préparé le terrain. D’autre part, il y a pour les artistes un besoin d’exister via l‘édition car ça voyage facilement en comparaison d’une exposition. Si certains se tournent vers le fanzine c’est parce qu’il est un lieu de liberté et d’expérimentation qui appartient à une sous-culture stimulante, dynamique et organisée qui se répand dans des circuits parallèles à un niveau mondial tout en contaminant les institutions. La foire New York Art Book Fair et la librairie Printed Matter à New York ont très tôt participé à la mise en avant du fanzine considéré comme une publication d’artiste.

La recherche artistique via le medium fanzine se nourrit-elle des nouvelles technologiques ? Est-ce complémentaire ou antinomique ?

Le fanzine a toujours vécu avec son temps ne serait-ce que par les modes d’impression. Donc oui, il existe des rapports avec les nouvelles technologies. Par exemple la risographie actuellement très en vogue, les logiciels de mise en page, de traitement d’image, la prise de vue via des appareils numérique, le scanner, etc. On peut aussi évoquer les webzine même s’ils ne sont pas comparables à cet objet qui opère sa magie par sa précarité et par cette circulation au sein de réseaux parfois obscurs jusqu’à atterrir dans nos mains.

Tu es à l’origine du projet « Le Nouvel Esprit du Vandalisme », quelle est sa finalité ?

Le fanzine Le nouvel esprit du vandalisme est, dès le départ, pensé comme un médium me permettant d’explorer ma pratique curatoriale. Dans cette perspective, le fanzine est l’outil idéal car il permet à la fois une grande liberté de formes et de fond car il est financièrement désintéressé et en même temps c’est un format avec énormément de contraintes qui pousse donc les artistes à la créativité et me permet pour ma part d’expérimenter des mises en espaces et des matériaux. Le titre est un détournement de l’ouvrage Le nouvel esprit du capitalisme de Eve Chapellio et Luc Boltanski.

Le nouvel esprit du vandalisme est un positionnement faisant tant référence aux pratiques artistiques qu’il accueille qu’à sa forme qui s’oppose à la sacralisation et au spectacle actuel de l’art. Enfin, il est une mise en abyme de cette nouvelle figure du curateur qui s’avère être un statut précaire au même titre que l’objet fanzine.

 

 

 

Fanzine Le Nouvel Esprit du Vandalisme, n°5, 2015

 

Fanzine Le Nouvel Esprit du Vandalisme, n°7, 2015

 

Fanzine Le Nouvel Esprit du Vandalisme, n°12 « Pendant la chute », 2016

 

Fanzine Le Nouvel Esprit du Vandalisme, n°1 « Un monde sauvage », 2014

 

 Exposition Pat McCarthy Brick by brick, FRAC PACA, 2016, photographie : Seitoung.

 

 Exposition Pat McCarthy Brick by brick (détail), FRAC PACA, 2016, photographie : Seitoung.

 

Plus d’informations :

Salon Rebel Rebel #2 : fanzine art & culture, Samedi 14 et dimanche 15 octobre 2017, FRAC PACA, Marseille.

Le Nouvel Esprit du Vandalisme

Instagram de Laura Morsch-Kihn

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