Ecritures contemporaines – Jacques Villeglé

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Ecrire à partir de la poésie urbaine anonyme et spontanée. Telle est le sacerdoce de Jacques Villeglé (né en 1926) depuis plus de 70 ans et ses premiers ramassages de débris du Mur de l’Atlantique sur les plages de Saint-Malo, en 1947. Ecrire à partir des affiches lacérées fut le travail qu’il mena, en collaboration étroite avec Raymond Hains, jusqu’à l’orée des années 2000, limitant leur intervention artistique au déshabillage des palissades de chantier et au recadrage – expert – des affiches qu’un « lacérateur anonyme » avait déchirées.

« J’ai arrêté les Affiches lacérées en 2000 car, à Paris, les murs avaient changé, il n’y avait plus d’affiches sur les palissades. Aujourd’hui, il n’y a que dans le sud de la France que les affiches sont encore présentes et la dernière des villes où l’on pourra encore récolter des affiches sera Marseille. A Marseille, la rue est bavarde. » Jacques Villeglé, 7 septembre 2018.

Jacques Villeglé à son domicile malouin, décembre 2015. Photo : Seitoung

Pionnier de l’art urbain, mais dans une posture philosophique différente du street-art contemporain, Jacques Villeglé n’a eu de cesse de réinventer l’écriture. C’est autour de cette thématique que la Galerie Albert Bourgeois consacre une exposition qui retrace les manipulations depuis les années 1950 de ce père fondateur du Nouveau Réalisme. Héritier du ready-made duchampien, Jacques Villeglé collecte dans la rue, détourne les symboles, les typographies pour inventer, à la fin des années 1960 son fameux Alphabet sociopolitique. Il faudra attendre les années 2000 pour que cet alphabet prenne du volume avec sa série de sculptures « ¥€$ » et « ART » en bronze, acier corten ou verre. Plus original, Jacques Villeglé apparaît lui-même dans l’exposition à travers une série de portraits monochromes réalisés par le photographe François Poivret dont la première rencontre remonte à 1986. Enfin, l’exposition rappelle que Hains et Villeglé furent également des pionniers de l’art vidéo, inventant une machine infernale, l’Hypnagogoscope,  un instrument optique à base de verre cannelé destiné à l’observation de l’éclatement des images, des lettres et à la création de formes. Un film, jamais achevé, fut entrepris dont il ne reste que séquences montées et des planches originales (une reconstitution fut toutefois présentée à Bâle par la Galerie Vallois en 2012). Ce sont elles, et leur humeur matissienne, que l’on peut (re)découvrir dans l’exposition. Torsion du temps, on finira l’exposition par la « machine » de Patrick Suchet, un logiciel d’écriture digitale qui permet à tout un chacun de graffer un fond d’écran et d’y inscrire des messages en utilisant l’Alphabet sociopolitique de Jacques Villeglé.

Jacques Villeglé, Rue de Tolbiac – Le crime ne paie pas, 26 octobre 1962 Collection Fonds régional d’art contemporain Bretagne
Jacques Villeglé, Lycanthrope, décembre 1992. Peinture sur tissu. Collection Fonds régional d’art contemporain Bretagne.
Application « Jacques Villeglé » de Patrick Suchet

« Ecritures contemporaines – Exposition de Jacques Villeglé », jusqu’au 1er décembre 2018

Galerie d’Art Albert Bourgeois
Couvent des Urbanistes
25 rue de la caserne
35 300 Fougères
Du mercredi au samedi de 14h à 18h

Maggy Hubert-Wallace, De l’ombre à la lumière, préface illustrée de Jacques Villeglé, 2018, éditions Nanga.

A l’occasion de cette exposition, Maggy Hubert-Wallace, amie de Jacques Villeglé depuis près de 50 ans, a présenté un ouvrage autobiographique témoignant de cette longue amitié avec les Nouveaux réalistes, amitié dont les prémices remontent à une rencontre furtive sur un passage clouté du quartier Saint-Germain en compagnie de Guy Debord.

Site des éditions Nanga

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