Borondo (né en 1989) est un artiste espagnol qui s’évertue depuis une dizaine d’année à casser les codes du street-art en inventant de nouvelles techniques graphiques et en renouvelant l’univers figuratif des œuvres murales.
Fils d’un psychiatre et d’une restauratrice en art religieux, il n’est guère étonnant que la psyché trouve une place centrale dans ses œuvres dont l’esthétique générale se rattache aux grands maîtres espagnols comme les Peintures noires de Francisco de Goya. Enfant, il fut d’ailleurs initié à la peinture à l’huile par José Garcia Herranz. Les fresques de Borondo privilégient les visages, les figures, atrophiés ou cachés, les corps d’apparence prostrée, d’une nudité blanchâtre accentuant leur fragilité, des représentations toujours pudiques. Le temps qui passe et qui efface sont également omniprésents dans ses œuvres évanescentes ; l’absence ou l’incomplétude aussi, comme si les oeuvres étaient abandonnées avant même d’être achevées. Face à un mur monochrome, Borondo suggère des fausses perspectives, sans jouer la carte de l’hyperréalisme – mais usant de coups de pinceau large comme s’il peignait au couteau géant et dérivant alors vers l’abstraction – suggérant simplement ce qui pourrait être, invitant le spectateur à oser franchir le mur et imaginer un autre monde.
Techniquement, il a inventé le « glass scratching », peinture en négatif en quelque sorte consistant à gratter des vitrines enduites de blanc d’Espagne ou de peinture acrylique. Ce faisant Borondo redonne une vie à des échoppes abandonnées, victimes de la crise économique, tout en se protégeant lui-même des forces de l’ordre : il peut agir en plein jour sans risque d’être interpellé puisqu’il se contente de gratter, d’enlever de la peinture, et non de souiller une vitrine ou une façade. Le délit de grattage n’existe pas encore. Borondo a transposer le grattage de surfaces vitreuses au brossage des murs crasseux, un procédé proche mais moins agressif que le décapage pariétal de son ami portugais Vhils ; il utilise également le feu pour peindre des autels sur des bottes de paille, dessiner des silhouettes sur du metal qui rappellent le suaire de Turin. Il explore aussi d’autres supports comme le grillage et le charbon pour une des installations de sa série « Animal » qui questionne l’essence physiologique du corps (le carbone), s’exprimant dans le chaos naturel mais qui soumise au besoin de rationalité humaine (la cage grillagée), se sépare de l’être. Borondo est un poète tiraillé entre un monde désenchanté et ses aspirations de transcendance qu’on perçoit dans ses oeuvres emplies de solitude et de mysticisme.
Du 25 mars au 23 avril 2017, la Galerie romaine Varsi présente le projet collectif COLERA réunissant six artistes (Borondo, Servadio, Run et le collectif Canemorto) autour de productions monotypiques sombres et crasseuses. La rencontre fortuite des artistes à Londres en 2015 s’était traduite par une production intensive de monotypes et la quasi mise à sac du studio de Servadio qui se rappelle y avoir « vu neiger des feuilles imprimées ». La Galerie Varis va tenter de retrouver cette euphorie née de l’urgence de créer.
Nuit Blanche à Paris, Septembre 2014
Sans titre, Dehli, Inde, 2016. Photo : St+art India Foundation
Sans titre, Honolulu, Hawaii, 2016
Intervention murale, MAAM, Italie, 2013
Animal :: Control, avec Edoardo Tresoldi, Londres, 2015
Ubiquitas, Rome, 2016
Naranjada, Vila-Real, Espagne, 2015
Plus d’informations :
Le site de Borondo
Exposition collective COLERA du 25 Mars au 23 avril à la Galerie Varsi.
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